Par le révérend père Barthélémy, 21 juin 2004, premier recteur de notre paroisse.

On nous demande souvent : « Pourquoi avez-vous choisi de dédier votre église et votre paroisse à ces deux saints, Silouane du Mont Athos et Martin de Tours ? En réalité, ce sont plutôt ces deux saints qui se sont présentés à nous comme guides et protecteurs. Il s’agit en fait d’une relation, dont je vais essayer d’indiquer quelques étapes.

Préambules

Nous sommes en 1990. Depuis 6 ans, encore dans l’ECOF à cette époque, je dessers la paroisse de Saint-Amand. Ma connaissance de saint Silouane est, alors, très modeste. D’abord, André, un paroissien qui tenait la petite librairie de la paroisse, m’avait parlé de lui et montré une icône, que j’avais achetée de même que le livre de l’Archimandrite Sophrony (ndlr. aujourd’hui Saint Sophrony). Ensuite, deux ou trois autres paroissiens m’ont parlé du monastère de Saint-Jean-Baptiste, à Maldon, en Angleterre. M’est venu alors le désir de passer quelques jours dans ce monastère et, si possible, d’y rencontrer le starets Sophrony, le disciple de saint Silouane.

Cela ne s’est cependant réalisé que deux ans plus tard, en septembre 1992. J’y suis resté cinq jours. Je me souviens d’une conférence du starets Sophrony à la communauté ; il parlait de l’obéissance, et ensuite de la prière : « Nous sommes ici – disait-il – dans un monastère, c’est-à-dire dans une école de prière. Toujours nous sommes des apprentis de la prière, et cela jusqu’à la fin de notre vie. » Le starets parlait en russe ; un moine me traduisait ses paroles à l’oreille. Une autre expérience inoubliable : les offices de la prière de Jésus récitée dans la petite église, durant deux heures, en plusieurs langues. Prière universelle de louange et d’intercession, au nom de tous, pour tous et pour tout. Respiration profonde de l’âme de monde. Plus tard, j’ai retrouvé en tout cela la spiritualité de siant Silouane lui-même. C’est à Maldon que la question de mon appartenance à l’ECOF a commencé de se poser à moi. Quelques mois plus tard j’ai appris le décès du Père Sophrony, le 11 juillet 1993.

L’année 1994 fut lourde d’évènements qui vinrent remettre en question notre appartenance à l’ECOF. Cependant, conscient de tout ce que nous y avions reçu, mon épouse, mes deux fils et moi-même, et de tout ce que signifiait pour nous la paroisse Saint-Amand, je voulus, malgré tout, y rester fidèle, espérant des solutions. Ce n’est qu’à la fin de cette année, précisément le 11 novembre 1994 – fête de saint Martin -, qu’au cours d’une assemblée générale de l’ECOF, ma décision fût prise. Je l’ai cependant gardée dans le secret de mon cœur jusqu’au 28 janvier 1995.

Ce jour-là, une assemblée générale extraordinaire convoqua tous les paroissiens, en présence de l’évêque. Après y avoir fait rapport des questions des uns et des autres, j’y ai communiqué ma décision, dans une lettre intitulée « Sur le chemin de l’obéissance ». Une trentaine de paroissiens décidèrent ce jour-là de prendre avec nous le chemin de l’exode, dans l’espoir de retrouver bientôt la pleine communion avec l’Eglise Orthodoxe universelle.

Un mois plus tard, en février 1995, je me trouvais à Ermeton avec quatre paroissiens pour une retraire organisée par la Fraternité orthodoxe de la région bruxelloise. Cette retraite était animée par le Père Syméon (ndlr. aujourd’hui évêque Syméon de Domodedovo) du monastère Saint-Silouane de Saint-Mars de Locquenay. Il nous parlait de saint SIlouane : les exploits de sa jeunesse, l’anecdote célèbre de l’omelette aux cinquante œufs, sa conversion, son départ pour l’Athos, son obédience comme économe, les grandes grâces reçues et l’épreuve terrible de la perte de la grâce, ses enseignements sur la prière, la persévérance, l’amour des ennemis, la compassion pour tous les êtres. Cette rencontre avec ce saint que, depuis quelques années, j’avais seulement aperçu fut presque tangible, et nous remplit d’une grande joie. Certes, il y avait encore la tristesse de nous être séparés de frères et de sœurs que nous aimions sincèrement, et d’avoir quitté une paroisse où nous avons reçu beaucoup, et il y avait aussi l’appréhension d’un avenir que nous ne connaissions pas. A la suite d’une longue conversation que nous avons pu avoir avec le Père Syméon à la fin de cette retraite, nos craintes se sont transmutées en espérance !

Sur le chemin du retour, nous nous sommes posé la question de l’avenir de notre communauté « en exode » et de sa dénomination : Quels seraient les saints patrons de notre paroisse ? Il nous sembla évident que saint Silouane s’était présenté à nous et que, si nous l’acceptions, il allait devenir notre protecteur et notre guide sur le chemin de l’humilité, de l’obéissance, de la prière et de l’amour universel. Dans le désir d’affirmer aussi nos origines dans l’orthodoxie occidentale des premiers siècles, nous nous sommes proposés de prendre comme deuxième patron le grand évêque Martin de Tours, saint très aimé et vénéré partout et par tous dans nos régions depuis toujours. Quelques jours plus tard, le 2 mars 1995, une trentaine de fidèles se sont réunis en assemblée générale constitutive, pour la création d’une nouvelle paroisse, sous le patronage de saint Silouane du Mont Athos et saint Martin de Tours. A la fin de l’année, le dimanche 17 décembre, la paroisse fût reçue canoniquement dans la communion de l’Eglise Orthodoxe par le Métropolite Pantéléimon, dans la juridiction du Patriarcat œcuménique de Constantinople.

Ecrire l’histoire d’une relation

Chaque relation a son histoire : il en est ainsi dans nos relations avec les saints comme dans les relations humaines ! Une de spécificités des vraies relations est qu’elles se développent souvent et pour leur plus grande part dans l’invisible et le secret des cœurs. La relation avec nos saints patrons a cependant aussi une histoire visible, celle qui est inscrite dans la chronique de la vie paroissiale. C’est de l’histoire de notre relation avec saint Silouane que je vais maintenant retracer les étapes les plus marquantes. Certes, il y aurait aussi beaucoup à dire à propos de saint Martin de Tours, qui se manifesta a plusieurs reprises dans la vie de notre paroisse. Ce saint Evêque veille particulièrement sur nos jeunes paroissiens, il nous apprend le geste du partage et du don de soi, il nous rappelle l’unité du sacrement de l’autel et du sacrement du frère. Il parle un langage sans paroles, celui de l’évangile mis en pratique.

(à suivre)