Chers frères et sœurs,

Nous célébrons demain la fête de la Théophanie. La Théophanie est une des grandes fêtes de l’année chrétienne, après celle de la Pâques et de la Pentecôte. Dans les premiers siècles, la Nativité et la Théophanie formaient par ailleurs une seule fête. Certainement que la distinction progressive entre ces deux fêtes a été faite dans un souci pastoral et catéchétique et a permis de mettre en valeur le contenu théologique de ces deux fêtes. Nous pouvons ainsi considérer la Nativité comme une Théophanie également, comme une manifestation de Dieu, mais une théophanie à un groupe restreint de personnes, alors qu’à l’occasion du baptême du Christ, non seulement Jésus apparait publiquement comme le Fils de Dieu, mais il y est révélé également ouvertement le Dieu Trinitaire, Père, Fils et Saint Esprit.

L’an dernier je vous avais lu un texte du père Lev Gillet, un texte qui traitait de deux aspects de cette manifestation de Dieu au baptême de Jésus : l’humilité du Verbe de Dieu et la gloire de Dieu, l’humilité et la gloire ne pouvant être séparés l’une de l’autre. Aujourd’hui j’aimerai m’arrêter, le temps de cette homélie, à un autre aspect de la Théophanie, et plus généralement à un aspect caractéristique de nombreuses manifestations divine.

Dieu n’a pas besoin des hommes. C’est par amour qu’il nous a créé, c’est par amour qu’il nous a fait à son image, c’est par amour qu’il nous a donné la raison et la liberté. Mais si Dieu n’a pas besoin de nous, nous pouvons pourtant voir, à travers l’histoire du peuple de Dieu, que quand Il se manifeste plus ou moins explicitement à une assemblée d’hommes, Il le fait souvent à travers des hommes et des femmes de foi, des hommes et des femmes qui lui sont fidèles. Abraham. Moïse. La Mère de Dieu. Saint Jean Baptiste. Les apôtres. Les femmes Myrrophores. Et j’en passe. Je ne pose pas cela comme une règle générale, car ceux qui peuvent et veulent voir, voient Dieu dans toute la Création ; mais on peut distinguer à travers l’histoire du Salut de nombreux évènements où c’est à travers, ou en relation avec des hommes de grande fidélité que Dieu se révèle au monde. La fidélité de ces hommes et femmes est saisie par Dieu, si j’ose le dire ainsi, comme un vecteur pour se manifester aux hommes.

A la Théophanie, c’est par une rencontre et un échange avec le saint et illustre prophète, précurseur et baptiste Jean que le Seigneur prend le soin de se révéler. Ainsi le Verbe de Dieu incarné ne se manifeste pas une première fois publiquement au Temple de Jérusalem en présence du grand prêtre, des pharisiens, des scribes, des dignitaires de la ville de Jérusalem. Non, le Seigneur commence sa vie publique à l’écart de la ville sainte, en se faisant baptiser d’eau par un homme vêtu de poil de chameau (Mc 1,6), par celui qui, comme nous le chantons dans le tropaire, a été jugé digne de baptiser dans les eaux celui qui était annoncé (extrait du tropaire). Il a été jugé digne parce qu’en amont saint Jean Baptiste a montré un zèle exceptionnel, parce qu’en amont il a fait fructifier les dons dont il avait été fait dépositaire. Il y a donc en marge de la révélation divine un réel combat de la part d’un homme pour rendre le meilleur témoignage possible à son Dieu.

Certes saint Jean Baptiste a reçu le secours de Dieu dans son travail prophétique, mais à travers le récit évangélique nous pouvons entrevoir la réalité de son combat personnel. Ainsi nous étendons dans l’Evangile selon saint Luc que le saint prophète n’est pas exempt de doute concernant le maître de Nazareth, envoyant deux de ses disciples auprès de Jésus pour lui demander : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous attendre quelqu’un d’autre ? » (Luc 7,19). Par sa réponse Jésus laisse saint Jean à son propre discernement : « Heureux celui qui n’abandonnera pas la foi à cause de moi ! » (Luc 7,23).

En célébrant les grandes fêtes de l’année chrétienne, nous devons aussi faire mémoire, et prendre comme encouragement pour notre propre combat dans la foi, la grande fidélité et le grand combat de tous ces hommes et femmes saints et théophores. Leur vie nous invite à développer une vie chrétienne généreuse (TOB titre proposé pour He 10, 19-39). C’est par une foi assumée complètement que nous aussi pouvons devenir des vecteurs de la manifestation du Dieu Trinitaire dans le monde. C’est par une vie sainte, ou déjà tout simplement en faisant des petits efforts pour vivre saintement, que nous aussi pouvons être, par grâce de Dieu, des occasions théophaniques. Un chrétien n’est pas un être isolé, il porte en lui aussi une responsabilité concernant le salut de son prochain. Ainsi disons-nous cette prière « Sauve, Seigneur, ceux qui dans mon inconscience j’ai perturbés, scandalisés et détournés du chemin du salut, ceux que j’ai fait dévier vers des choses mauvaises et inconvenantes, fais-leur miséricorde et ramène-les par Ta divine providence, dans la voie du salut ». Ainsi, baptisé, je dois être vigilant à porter un témoignage « en vérité » de la foi, ce qui impacte en réalité toute ma vie. Ce que je fais ou dis, n’est plus anodin, sans importance. Non, ce que je fais ou dis peut amener ou détourner quelqu’un de la voie du salut.

Que la Sainte Trinité par les prières du saint et illustre prophète, précurseur et baptiste Jean nous vienne en secours.

Bonne fête à vous tous !