Chers frères et sœurs,

Dans la Vie en Christ, saint Nicolas Cabasilas, en introduction, écrit : « Mais si la vie à venir devait admettre ceux qui n’ont pas les facultés ou la sensibilité d’en jouir, cela ne leur apporterait pas le bonheur. En voici la raison : la lumière apparaîtrait et le soleil brillerait de ses purs rayons, mais notre vue ne serait pas formée pour les voir. Avec abondance et imprégnant tout, les parfums de l’Esprit se répandraient, mais notre odorat défaillant ne pourrait pas les sentir. [1]»

Dieu répand sa grâce sur les hommes, comment plus grande sera encore Sa présence dans la vie du siècle à venir ! C’est ici et maintenant que nous devons nous préparer à vivre cette présence. Sans préparation, sans un début d’une vie en Christ dans le vie présente, nous ne serons pas capables à vivre pleinement la vie du siècle à venir. Déjà ici-bas, les hommes se distinguent dans leur capacité à discerner la grâce de Dieu, à ressentir cet Amour divin que Dieu pourtant répand sur tous les hommes. Certains, courbés, s’occupent seulement de l’argile, et restent ignorants et insensibles aux grâces reçues. A l’autre extrémité du tableau, ceux qui mènent une vie angélique expérimentent non seulement la grâce, le Christ demeure en eux comme le Christ l’a annoncé lui-même : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui. [2]».

Vivre en Christ dépend de Lui et dépend de nous. « Il est un élément qui vient de Dieu, et un autre qui vient de notre propre ardeur. Le premier dépend totalement de Lui. L’autre exige nos efforts. Cependant le deuxième ne dépend de nous que dans la mesure où nous nous soumettons à Sa bonté, que nous ne livrons pas le trésor et n’éteignons pas la lampe une fois allumée. [3] ».

Les Mystères que nous célébrons dans l’Eglise sont une expression de ce double mouvement. Ils sont des dons divins de notre Seigneur, des dons par lesquels nous sommes unis au Christ, des dons par lesquels nous prenons part à Sa vie, des dons qui nous donnent la possibilité de devenir théophore. Pour pouvoir pleinement en jouir nous avons à montrer notre bonne disposition à les recevoir et à les conserver. Nous devons en cela faire preuve de volonté et user de juste façon de notre liberté. Après la traversée de la Mer rouge, il y eu la manne, mais aussi le désert, les idoles, etc.

Mais de quels dons parlons-nous ? Pour le baptême saint Jean Chrysostome dénombre dix grâces reçues. « Ceux qui hier étaient captifs, sont aujourd’hui des hommes libres et citoyens de l’Église. Ceux qui naguère étaient dans la honte du péché, sont maintenant dans l’assurance et la justice. Ils sont non seulement libres, mais saints ; non seulement saints, mais justes, non seulement justes, mais fils ; non seulement fils, mais héritiers ; non seulement héritiers, mais frères du Christ ; non seulement frères du Christ, mais ses cohéritiers ; non seulement ses cohéritiers, mais ses membres ; non seulement ses membres, mais des temples ; non seulement des temples, mais des instruments de l’Esprit. »[4]. Dans la prière de l’anaphore de la Liturgie selon saint Basile nous pouvons distinguer une autre description : « Ayant vécu en ce monde, nous ayant donné ses commandements salutaires, nous ayant détourné de l’erreur des idoles, il nous a conduits à ta connaissance, vrai Dieu et Père, et il nous a acquis pour lui-même comme un peuple choisi, un sacerdoce royal, une race sainte. ». Un peuple choisi, un sacerdoce royal, une race sainte ! Par le baptême, la chrismation, la communion eucharistique nous recevons en retour la grâce, par le Saint Esprit, de revenir à la vocation première de l’homme. N’est-ce pas cela que signifie être chrétien ? Devenir homme en toute plénitude, à la ressemblance du Christ, comme membre du Corps de Christ. Et cela ne sont pas de vaines paroles. Nous voyons les saints qui par leur bonne disposition à accueillir la grâce divine deviennent des instruments de l’Esprit en répandant la grâce autour d’eux, ils deviennent des véhicules de guérison, de consolation, de justice, de douceur, d’amour à l’imitation de notre Seigneur Jésus Christ. Malgré toutes nos défaillances et limitations, nous pouvons aussi l’expérimenter en nous-même, quand une prière pour autrui porte ses fruits, quand quelques hésitantes paroles de consolation apaisent un frère.  Rappelons-nous la parabole des talents, et mettons-y le cœur pour être des dignes réceptacles de la grâce divine !

Que la Sainte Trinité puisse nous l’illumine sur le chemin du Salut !

Amen.

p. Laurent


[1] Daniel Coffigny, Nicolas Cabasilas, La vie en Christ, Les Editions du Cerf, Paris, 2008, pag. 50

[2] Jn14,23

[3] Ibid. pag. 59

[4] Homélie sur le baptême, de saint Jean Chrysostome