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SA VIE
Jeunesse et éducation classique
Jean Chrysostome est né vers 349, à Antioche. Son père, Secundus, était officier. Il laissa son épouse Anthousa veuve à vingt ans, avec un fils et une fille. Celle-ci mourut très tôt, et Anthousa, chrétienne fervente, consacra tous ses soins à l’éducation de Jean. Après avoir acquis les connaissances élémentaires habituelles, Jean étudia la rhétorique à l’école de Libanius, le plus illustre rhéteur du temps, païen convaincu et nostalgique.
Vie ascétique et monastique
A partir de 367, il s’intègre au groupe des disciples de Diodore, futur évêque de Tarse, pour s’adonner à l’étude des sciences sacrées. Ce groupement ascétique n’était pas un monastère, et Jean, à la demande d’Anthousa, revenait chaque soir à la maison familiale. Il fut baptisé par saint Mélèce pendant la nuit pascale de 367. Vers 370, d’abord ordonné lecteur, il se soustrait par la fuite au sacerdoce, «trompant» son ami Basile, qui se laissa ordonner, croyant que Jean l’était aussi. Cette querelle fraternelle sera évoquée plus tard vers 390, dans le Dialogue sur le sacerdoce de Jean, dont elle fournira le prétexte. Vivement attiré par la vie monastique, il se retire en 372 au désert et vit pendant quatre ans auprès d’un ancien. Puis il se retire, seul, dans une grotte, où il passe la plupart de son temps sans dormir, apprenant par cœur les Ecritures. Sa complexion fragile ne résiste pas à ce régime, il tombe malade et doit regagner Antioche en 378, après deux années de vie érémitique. C’est l’époque où saint Mélèce, exilé par Valens, rentrait à Antioche.
Diacre et prêtre à Antioche
En 381, saint Mélèce l’ordonne diacre, puis, en 386, son successeur Flavien lui confère le sacerdoce. Le ministère principal de Jean devient la prédication. «La parole fut sa vocation et sa passion», a-t-on pu écrire. Dans son dialogue sur le sacerdoce, il décrira ainsi cet idéal qui fut le sien : «La parole, voilà l’instrument du médecin des âmes. Elle remplace tou : régime, changement d’air, remèdes. C’est elle qui cautérise ; c’est elle qui ampute. Quand elle manque, tout manque. C’est elle qui relève l’âme battue, dégonfle la colère, retranche l’inutile, comble les vides, et fait, en un mot, tout ce qui importe à la santé spirituelle. Quand il s’agit de la conduite de la vie, l’exemple est le meilleur des entraînements ; mais pour guérir l’âme du poison de l’erreur, il faut la parole, non seulement quand on a à maintenir la foi du troupeau, mais encore quand on a à combattre les ennemis du dehors. Même si nous avions le don des miracles, la parole nous serait utile, même nécessaire. Saint Paul le prouve, saint Pierre aussi, qui dit : «Soyez prêts à répondre à ceux qui vous demandent compte de votre foi» (1 P 3, 15). Et, si tout le collège des Apôtres confia jadis à Etienne la direction des veuves, c’était uniquement pour mieux s’adonner eux mêmes au ministère de la parole. Toutefois, nous n’aurions pas tant besoin du don de la parole si nous avions le don des miracles. Ne l’ayant pas, il faut nous armer de l’arme qui nous reste. C’est donc à nous de travailler avec acharnement pour nous enrichir de la parole du Christ… Le prêtre doit tout faire pour acquérir le talent de la parole.» (Sur le Sacerdoce, IV, 3; traduction de B. H. Vandenberghe, Saint Jean Chrysostome, Le livre de l’espérance, Namur, 1958, p. 9-10).
Jean prêche inlassablement, plusieurs fois par semaine, parfois pendant deux heures de suite. Jamais il ne pactise avec le vice, jamais il n’acceptera de compromission avec aucun scandale. Mais sa parole se nuance souvent de tendresse, et, s’il ne parvient pas à détacher la population d’Antioche des jeux et des spectacles du cirque, ni de ses autres désordres, son auditoire l’écoute en général volontiers et lui est profondément attaché.
En février 387, mécontents de l’augmentation des impôts, les habitants d’Antioche se soulèvent et brisent les statues de l’empereur Théodose, de l’impératrice défunte et des jeunes princes Arcadius et Honorius. Pour apaiser la sédition, Jean prononce dix-neuf homélies «sur les statues» durant le Carême, tandis que l’évêque Flavien se rend à Constantinople pour implorer la clémence de l’empereur. Le dimanche de Pâques, Jean put annoncer au peuple le succès des efforts de Flavien et le pardon de l’empereur.
Evêque de Constantinople
La renommée de Jean s’étendait bien au-delà d’Antioche. A la mort de Nectaire, évêque de Constantinople (397), l’évêque d’Alexandrie, Théophile, essaya de faire nommer à sa place l’un de ses protégés, le moine Isidore. Mais l’eunuque Eutrope, conseiller tout-puissant de l’empereur Arcadius, imposa le choix de Jean, le fit littéralement enlever à Antioche, et Théophile d’Alexandrie, ulcéré, dut le sacrer évêque de Constantinople, le 15 décembre 397.
Jean entreprit aussitôt de s’attaquer à tous les désordres qu’il constatait, dans le clergé, à la cour, dans toutes les classes de la société. Malgré ses invectives, une grande partie du peuple s’attacha à lui, et lui demeura toujours fidèle. Mais il s’attira, chez certains évêques, dans le clergé, et finalement à la cour, de terribles inimitiés. Après la disgrâce d’Eutrope, la bienveillance initiale de la toute-puissante impératrice Eudoxie se mua progressivement en haine.
On a écrit très justement au sujet de Jean : «son âme était trop noble et désintéressée pour deviner le jeu des intrigues de la cour, et son sentiment de la dignité personnelle était trop élevée pour s’arrêter à cette attitude obséquieuse à l’égard des majestés impériales, qui lui aurait assuré la continuité de leur faveur.. Sa fidélité sans compromission à son idéal ne put qu’unir contre lui toutes les forces hostiles, que sa simplicité lui empêchait d’opposer les unes aux autres par une adroite diplomatie.» (J. Quasten, Initiation aux Pères de l’Eglise, t. 111, p-507).
En 401, une cinquantaine de moines de Nitrie, conduits par trois d’entre eux, Ammonios, Eusébios et Euthymios, appelés «Ies longs frères» en raison de leur taille, arrivèrent à Constantinople, expulsés d’Egypte par Théophile, qui poursuivait alors les moines origénistes. Jean ne les reçut pas dans sa communion, mais il les accueillit avec une grande charité et pourvut à leurs besoins. Les frères égyptiens portèrent plainte devant la cour contre Théophile. Appelé à comparaître, celui-ci se rendit à Constantinople précédé par saint Épiphane, qu’il avait engagé dans la lutte contre l’origénisme, mais qui se rembarqua pour Chypre quand il réalisa la duplicité de Théophile. Il mourut au cours du voyage.
Premier exil
Théophile se changea d’accusé en accusateur et réunit près de Chalcédoine, à la villa du Chêne, un synode de 35 évêques pour juger Jean. Celui-ci, ayant refusé de venir, fut condamné, sur d’absurdes griefs, qui le présentaient comme violent, injuste, voleur, sacrilège, origéniste, impie. Il était même accusé de lèse-majesté, ce qui aurait entraîné la peine de mort. Mais cette dernière accusation ne fut pas retenue par l’empereur. Quant aux moines de Nitrie, Théophile se réconcilia avec eux et leur «pardonna». L’annonce de la déposition de Jean suscita une violente effervescence dans le peuple de Constantinople, qui restait fidèle à son évêque. Jean partit pour l’exil, mais une émeute éclata. Un tremblement de terre eut lieu dans la nuit, Effrayée, l’impératrice Eudoxie décida de rappeler l’exilé. Jean fut accueilli triomphalement. Théophile, menacé d’être jeté à la mer, se rembarqua précipitamment pour l’Egypte. Les évêques hostiles à Jean se dispersèrent. Mais à Constantinople, les intrigues reprirent contre Jean, qui avait repris ses fonctions épiscopales, dans l’attente d’un concile qui devait, normalement, le réhabiliter.
L’érection d’une statue d’Eudoxie ayant donné lieu à des divertissements païens et licencieux, Jean protesta dans une homélie prononcée à cette occasion. Elle aurait débuté par ces mots: «De nouveau, Hérodiade fait rage ; de nouveau, elle s’emporte ; de nouveau, elle danse ; de nouveau, elle demande à recevoir sur un plat la tête de Jean.» Eudoxie, irritée, voulut en finir avec lui. Les évêques opposés à Jean firent valoir que celui-ci avait repris illégitimement ses fonctions malgré sa déposition. L’empereur interdit à Jean tout exercice de son office épiscopal. Jean refusa.
S’étant vu interdire l’usage de toute église, Jean, la nuit pascale de 404, rassembla les fidèles dans les thermes de Constance pour le baptême des quelques trois mille catéchumènes qui devaient le recevoir. A l’instigation des évêques hostiles, l’armée intervint brutalement, les fidèles et les clercs furent dispersés ou emprisonnés, et l’eau baptismale fut souillée de sang. Pendant le temps pascal qui suivit, Jean demeura en résidence surveillée dans son évêché, puis, au lendemain de la Pentecôte, il fut envoyé définitivement en exil.
Second exil et mort
Il fut d’abord conduit à Cucuse, en Petite Arménie. Il y demeura trois ans, prêchant aux habitants de la localité, et recevant de fréquentes visites des fidèles d’Antioche, restés attachés à leur ancien prédicateur. Jaloux et irrités, les évêques syriens qui avaient contribué à sa condamnation obtinrent qu’Arcadius l’exile à Pityus, à l’extrémité orientale de la mer Noire. Accablé de mauvais traitements, il mourut en cours de route, à Comane, dans le Pont, le 14 septembre 407 Ses dernières paroles furent sa doxologie coutumière : «Gloire à Dieu pour tout. Amen.»
ŒUVRES
«Aucun Père n’a laissé un héritage littéraire aussi important en volume que Chrysostome… La tragédie de sa vie elle-même, causée par la sincérité et l’intégrité extraordinaires de son caractère, ne fit que rehausser sa gloire et sa renommée. Il reste le plus séduisant des Pères grecs et l’une des figures les plus attachantes de toute l’antiquité chrétienne.» (J. Quasten, op. cit., p. 6). On ne peut citer ici que ses principaux écrits.
Œuvres exégétiques
La majeure partie de l’oeuvre de saint Jean Chrysostome est constituée d’homélies sur les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Jean se montre fidèle à la tradition exégétique d’Antioche. Son exégèse pourrait être qualifiée de «pastorale», son principal souci étant de tirer du texte commenté des enseignements applicables à la vie quotidienne de ses auditeurs. Nous possédons de lui des Homélies sur la Genèse, sur 58 psaumes, sur le prophète Isaïe, sur les évangiles de Matthieu et de Jean, sur les épîtres de saint Paul. «Les trente deux homélies sur les Romains représentent le plus remarquable commentaire patristique de cette épître et la plus belle de toutes les œuvres de Chrysostome.» (J. Quasten, op. cit., p. 619). Il existait entre Jean Chrysostome et saint Paul une véritable amitié, une relation d’intimité spirituelle profonde.
Œuvres doctrinales
Deux séries d’homélies ont pour objet de combattre les anoméens : les «Homélies sur l’incompréhensibilité de Dieu», et les «Homélies sur l’égalité du Père et du Fils». Les premières, qui réfutent la prétention d’Eunome à connaître adéquatement l’essence divine, sont un admirable exposé sur l’apophatisme et la connaissance négative de Dieu. Les secondes constituent une catéchèse claire et accessible au grand nombre, sur la Théologie trinitaire. Deux séries de «Catéchèses baptismales» nous font connaître les rites du baptême et leur interprétation tels que Jean les exposait à Antioche.
Le «Dialogue sur le sacerdoce», inspiré du traité de saint Grégoire le Théologien, Sur sa fuite, traite de la dignité, des exigences et des fonctions du sacerdoce.
Ecrits sur la vie monastique
Le traité «A Théodore» est une exhortation adressée par Jean au futur Théodore de Mopsueste (probablement), tenté d’abandonner la vie monastique. Dans cet écrit, qui peut dater du diaconat de Jean, se retrouvent des traits caractéristiques de sa pensée, par exemple l’insistance sur la philanthropie divine : «Il n’est point d’amant du corps, fut-il devenu fou, qui brûle pour son amante d’un désir égal à celui de Dieu pour le salut de nos âmes.» (Sources chrétiennes n° 117, p. 163). Le Traité «De la virginité» est un commentaire fidèle de 1 Cor. 7 Le mariage est présenté, en antithèse, d’une façon assez négative, qu’il faut équilibrer par d’autres passages des œuvres de Chrysostome.
Les traités «Sur les cohabitations suspectes» sont une critique assez mordante de la cohabitation sous le même toit d’ascètes et de vierges, usage qui existait à l’époque et présentait inévitablement des risques de scandale. Ces écrits suscitèrent des ennemis à Jean dans le clergé.
Les trois opuscules «Contre les détracteurs de la vie monastique» sont des apologies du monachisme adressées aux autorités civiles et aux parents qui s’opposaient aux vocations monastiques.
Dans ses Homélies, Jean évoque souvent l’exemple des moines du désert proche d’Antioche pour stimuler ses fidèles à une vie plus fervente ; il conseille de faire des séjours dans la retraite auprès d’eux ; il invite les moines à prier avec ardeur pour l’Eglise et pour ceux qui y exercent une responsabilité. Pour lui, le souci pastoral d’autrui reste la forme la plus élevée de la charité chrétienne.
Homélies diverses
Un certain nombre d’homélies ont été prononcées pour les fêtes liturgiques : Noël, Epiphanie, Vendredi-Saint, Pâques. D’autres discours ont été prononcés dans des circonstances notables de la vie de Jean : «Sur la chute d’Eutrope», «Sur les statues». D’autres sont des panégyriques de divers martyrs, de saint Paul, d’Eustathe d’Antioche, de Mélèce, de Diodore de Tarse, etc…
Lettres
Nous possédons 236 lettres de Jean, qui datent toutes du temps de son exil. Parmi les plus remarquables, on peut compter les lettres de réconfort «A Olympia», auxquelles il faut joindre le «Traité sur la Providence» et la «Lettre d’exil». Dans ces lettres, les thèmes du sens de la souffrance, de la foi en la Providence, de la patience dans l’épreuve sont souvent traités. Jean le fait en s’inspirant à la fois de la tradition hellénique, surtout stoïcienne, et de la tradition biblique. La sagesse antique n’est pas reniée, mais assumée et transfigurée par l’apport chrétien. (Voir l’excellente introduction d’Anne-Marie Malingrey aux Lettres à Olympias, Sources chrétiennes, t.13 bis)
DOCTRINE
On a dit souvent que saint Jean Chrysostome est plus moraliste que théologien, et que sa pensée présente peu d’intérêt sur le plan spéculatif. En réalité, Jean est avant tout un pasteur et un prédicateur, dont l’enseignement est inséparablement théologique, moral et spirituel. Il n’est pas à la recherche de solutions nouvelles aux problèmes théologiques spéculatifs de son époque, mais tout son enseignement procède d’une adhésion plénière à la tradition dogmatique de l’Eglise, en même temps que d’une vie entièrement vouée à l’ascèse et à la prière. Il est vraiment par là un «Père de l’Eglise» dans toute la force du terme. Il n’enseigne pas ses opinions personnelles, mais transmet le dépôt de la foi dans toute son intégrité.
Théologie trinitaire et christologie
Ces remarques valent tout particulièrement en ce qui concerne la théologie trinitaire et la christologie. Jean Chrysostome s’applique surtout à prémunir ses fidèles contre l’hérésie en mettant à leur portée la catéchèse commune de l’Eglise, et à leur montrer quel sens les affirmations de la foi présentent pour leur vie chrétienne.
C’est surtout à l’arianisme que s’oppose Chrysostome : on ne trouve pas chez lui de polémique contre Apollinaire. Il professe clairement l’existence d’une âme humaine du Christ ; mais sa christologie est plus alexandrine qu’antiochienne ; il est beaucoup plus proche de saint Athanase et de saint Hilaire de Poitiers que d’un Théodore de Mopsueste, et il subordonne l’activité propre de la nature humaine dans le Christ à la nature et à la personne du Logos, «L’humanité que j’ai revêtue, je ne l’ai jamais laissée destituée de la vertu divine, mais, agissant tour à tour comme homme et comme Dieu, tantôt je laisse voir en moi la nature humaine et tantôt je donne des preuves de ma mission ; j’apprends ainsi aux hommes à attribuer les actes les plus humbles à l’humanité et à rapporter les plus élevés à la divinité ; par ce mélange d’œuvres inégales, je fais comprendre l’union de mes deux natures si dissemblables ; je montre, en me soumettant librement aux souffrances, que mes souffrances sont volontaires ; comme Dieu, j’ai dompté la nature en prolongeant le jeûne jusqu’à quarante jours, mais ensuite j’ai eu faim ; j’ai apaisé, comme Dieu, la mer en furie et j’ai été accablé en ma qualité d’homme ; comme homme, j’ai été tenté par le diable, mais, comme Dieu, j’ai commandé aux démons et je les ai chassés ; je dois, dans ma nature humaine, souffrir pour les hommes.» (Sur Lazare, 1 ; PG 50, 642-643). Ou encore : «Par ces paroles : « S’il est possible que ce calice s’éloigne de moi », et : « Non comme je veux mais comme tu veux », il montre qu’il a vraiment revêtu notre chair qui a horreur de la mort. Car il est de la chair de craindre la mort, de trembler et d’être dans l’angoisse. Tantôt Jésus la laisse abandonnée à elle-même, afin qu’en montrant sa faiblesse il atteste sa nature ; tantôt il la voile pour prouver qu’il n’est pas seulement homme. Voilà pourquoi, dans ses paroles et ses actes, il mêle le divin et l’humain. De la sorte, il ôte tout prétexte à la folie de Paul de Samosate et à la démence de Marcion et de Manès. Voilà pourquoi encore il prédit l’avenir comme Dieu et le redoute comme homme.» (Sur ceux qui ne sont pas venus à la synaxe, 6, PG 48,766).
Du sacrement du Christ dans l’Eucharistie à la réalité du Christ dans le pauvre
La doctrine eucharistique de saint Jean Chrysostome est particulièrement riche. Il montre bien comment l’eucharistie «fait» l’Eglise en incorporant les hommes au Corps du Christ. Il colore ses développements d’un sens du sacré en même temps que d’un accent de tendresse envers la personne du Christ qui correspondent à son génie particulier : «Celui que les anges ne regardent qu’en tremblant, ou plutôt qu’ils n’osent regarder à cause de l’éclat qui en émane, est celui-là même qui nous sert de nourriture, qui se mélange à nous, et avec qui nous ne faisons plus qu’une seule chair et qu’un seul corps (p. 109).
«Il veut que nous devenions son corps non seulement par l’amour, mais qu’en réalité nous nous mêlions à sa propre chair. C’est ce qu’opère la nourriture que le Sauveur nous a donnée comme preuve de son amour. Voilà pourquoi il a uni, confondu son corps avec le nôtre, afin que nous soyons tous comme un même corps, joint à un seul chef. Ainsi font ceux qui s’aiment ardemment… Voilà ce que Jésus-Christ a fait pour nous : il nous a donné sa chair à manger pour attirer notre amour envers lui et nous montrer celui qu’il nous porte ; il ne s’est pas seulement fait voir à ceux qui ont désiré le contempler, mais encore il s’est donné à toucher, à palper, à manger, à broyer avec les dents, à absorber de manière à assouvir le plus ardent amour (p. 119-120).
«Veillons donc sur nous-mêmes, mes très chers frères, puisque nous avons eu le bonheur de recevoir de si grands biens… Jusqu’à quand nous attacherons-nous aux choses présentes ?» (p. 123).
Plus que jamais, les applications morales et parénétiques découlent ici du dogme. Devenus membres du Christ par l’eucharistie, les plus pauvres et les plus démunis sont par là même l’autel véritable sur lequel les fidèles doivent offrir le sacrifice spirituel de l’aumône et de la miséricorde : «L’autel dont je vous parle est fait des membres mêmes du Christ, et le corps du Christ devient pour toi un autel. Vénère-le : dans la chair, tu y fais le sacrifice au Seigneur. Cet autel est plus terrible que celui qui se dresse en cette Eglise, et, à plus forte raison, que celui de l’ancienne loi.
«Ne vous récriez pas. Cet autel-ci est auguste, à cause de la victime qui y vient ; celui de l’aumône l’est davantage, parce qu’il est fait de cette victime même. Celui-ci est auguste, parce que, fait en pierres, il est sanctifié par le contact du corps du Christ; et l’autre, parce qu’il est le corps même du Christ. Il est donc plus vénérable que celui-ci devant lequel, mon frère, tu te trouves. « Qu’est-ce donc encore qu’Aaron quand on songe à ces choses ? Que sont la couronne, les sonnettes, le Saint des Saints ? Et pourquoi parier de cet autel ancien, quand, comparé à notre autel lui-même, l’autel de l’aumône est si splendide ? Et toi, tu vénères cet autel-ci, lorsque le corps du Christ y descend. Mais l’autre qui est le corps du Christ, tu le négliges et tu restes indifférent, quand il périt.
« Cet autel, tu peux le voir dressé partout, dans les ruelles et sur les places, et, à chaque heure, tu peux y faire le sacrifice car c’est là aussi le lieu des sacrifices. Et comme le prêtre, debout à l’autel, appelle l’Esprit ; de même, toi aussi, tu appelles l’Esprit, comme cette huile répandue en abondance.» (Hom, 82 ln Matth.; PG 58, 744.).
Grâce et liberté humaine
L’enseignement de saint Jean Chrysostome sur la prédestination, la grâce et la liberté lui est commun avec les autres Pères orientaux, et s’accorde substantiellement avec celui de saint Cassien, condamné en Occident comme «semipélagien». Le point de vue de Jean est pastoral et spirituel, et non métaphysique comme celui d’Augustin d’Hippone.
Pour Jean, le salut ou la damnation de l’homme ne sont pas fixés d’avance, sans que sa volonté libre y ait une part. Dieu adresse son appel à tous, offre sa grâce à tous, mais il appartient à l’homme de l’accueillir ou de la refuser : «Si la grâce ne demandait d’abord ce qui vient de nous, elle serait versée en masse dans toutes les âmes. Mais comme elle requiert ce qui vient de nous, elle habite à demeure dans les uns, et quitte les autres. Quant au reste des hommes, elle n’apparaît pas même en eux un moment, Dieu exigeant d’abord le choix préalable.» (De la componction ; PG 47,408).
«Dieu ne prévient pas nos volontés par ses dons, mais lorsque nous avons commencé, fourni le vouloir, alors lui-même nous présente plusieurs occasions de salut.» (Hom. In Jn; PG 59,408).
«La vertu est tissée du zèle que nous montrons et de l’assistance dont Dieu nous aide.» (Sur le Ps 140, 9; PG 55,441).
«Tout ne dépend pas de nous, mais une partie dépend de nous, une partie de Dieu. Choisir le mieux, le vouloir, nous y appliquer, affronter n’importe quelle peine, cela dépend de nous ; mais pouvoir mener nos efforts à bien, ne pas les faire échouer, aller jusqu’au bout de nos actes vertueux, cela dépend de la grâce d’en haut. En ce qui concerne la vertu, Dieu a délimité sa part et la nôtre. Il n’a pas mis tout en notre pouvoir, pour nous éviter de nous laisser emporter par une orgueilleuse folie, et il ne s’est pas chargé de tout, pour que nous ne tombions pas dans la paresse, mais, laissant à nos efforts le rôle le plus modeste, il assume lui-même le principal.» (Sur : Seigneur, il n’appartient pas à l’homme … 4 ; PG 56, 160).