Par p. Laurent, à l’occasion de la fête paroissiale.

Dans un petit livre « Pourquoi m’a-t-on appelé Virgil »[1], le poète et prêtre Virgil Gheorghiu relate des évènements de sa jeune enfance. Un jour sa maman, qu’il décrit comme semblable à un fol-en-Christ, lui apprend que son nom Virgil n’est pas repris dans le calendrier, qu’aucun Virgil n’a jamais été saint, qu’il a un nom de païen et qu’il n’a donc pas de fête onomastique. C’est le grand drame pour le petit Virgil. « Tu n’as pas pensé, maman, que Virgil est un nom de païen ? Qu’il n’y a pas de saint Virgil ? Que je n’aurais jamais mon jour onomastique et l’icône de mon saint sur ma poitrine, dans la tombe ? Tu n’as pas pensé à tout cela, toi qui as une si grande foi ? »

Le petit garçon va voir son papa, jeune prêtre, tellement agité il est par cette annonce. Après une longue discussion et des paroles encourageantes de son papa, pour le petit garçon il devient évident ce qu’il doit faire dans sa vie : Devenir saint.

« Que dois-je faire, père, pour commencer à devenir saint ? Pour devenir saint Virgil ? »

« Pour commencer et pour finir, et tout le temps, » lui dit son père, « tu ne dois faire qu’une seule chose. Une seule. Et tu es un saint. »

« Pour fabriquer une maison, une route, une clôture, il faut énormément de choses, » dit le petit garçon, « Il n’est pas possible qu’une seule chose suffise pour devenir saint. Tu me dis cela parce que je suis un enfant. Tu ne me prends pas au sérieux. »

« Si ! Je te prends très au sérieux, » répondit son père, « On ne peut pas parler à la légère de la sainteté. Même quand on en parle à un enfant. »

« Alors, dis-moi vite que faire pour devenir un saint ? Pour avoir un saint Virgil au calendrier ? Je veux commencer tout de suite. A cette minute même ! », insiste Virgil.

Et son papa de répondre : « Pour devenir un saint, il ne faut faire qu’une seule chose : AIMER TES ENNEMIS. »

Le petit Virgil est ravi. Dans son esprit d’enfant, cela paraît si facile de devenir saint, même si déjà un premier obstacle se dresse devant lui. « Je n’ai aucun ennemi, » constate-t-il, « comment pourrais-je aimer quelque chose que je n’ai pas. »

Aimer nos ennemis, prier pour eux avec des larmes, nous est difficile, impossible, sans la grâce de Dieu, sans la présence du Saint Esprit, comme nous le dit saint Silouane dans une belle prière. Aimer notre famille, nos amis, c’est facile. Mais aimer celui qui plante des cloues dans notre chair, c’est une autre chose. L’amour de l’ennemi est la perfection, il est la ressemblance avec notre Seigneur. C’est avec beaucoup d’humilité que nous devons nous approcher de ce commandement. Pour acquérir cet amour, nous devons acquérir le Saint Esprit. Nous devons tendre l’oreille intérieure pour percevoir, au fonds de notre cœur, Dieu qui prie en nous et qui nous enseigne à prier pour nos ennemis. « Le Saint Esprit apprend à tant aimer ses ennemis que l’on aura compassion d’eux comme de ses propres enfants », nous dit saint Silouane. « Celui qui n’aime pas ses ennemis, n’a pas la grâce de Dieu ».[2] Prions le Seigneur, par les prières de saint Silouane et de tous les saints, pour qu’Il nous accorde cette grâce, pour qu’il nous mène sur la voie de l’amour plénier. Amen


[1] Virgil GHEORGHIU, De la 25e heure à l’heure éternelle, suivi de Pourquoi m’a-t-on appelé Virgil, Librairie Plon, 1968.

[2] Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, Moine du Mont Athos, Ed. Présence, 1973, p.260