Chers frères et sœurs,
Nous souhaitons aborder régulièrement, en marge des offices, de thèmes touchants à notre vie de chrétien, avec l’espoir que cela nous aide tous à progresser dans notre cheminement vers Dieu. On devra un peu trouver nos marques et composer la meilleure formule, nous sommes à l’écoute de vos réflexions à ce sujet. Libre à chaque paroissien d’avancer un thème pour une prochaine séance. Comme premier sujet, je propose une petite introduction aux principaux livres liturgiques qui concerne le chœur, livres qui sont la porte principale vers la vie liturgique. Ces livres ont chacun un caractère propre, il est intéressant de s’y arrêter, simplement déjà afin de mieux comprendre la valse des livres pendant les offices de vêpres, de matines, etc. Aussi ces livres ont un grand contenu théologique. Car la foi de l’Eglise est non seulement exprimée dans la Bible et les livres et textes des pères de l’Eglise, elle l’est aussi dans les livres liturgiques.
La liturgie constitue cette espace de rencontre entre Dieu et l’homme, entre la Parole de Dieu et l’homme. Elle est prière. Elle fait partie du sacrifice de louange, dont nous parle le psaume 50. Dans un ouvrage sur la Liturgie, saint Nicolas Cabasilas explique pourquoi nous sommes appelés à participer aux offices liturgiques. Il se réfère pour cela à la parabole du semeur, et je le cite : « Il ne suffit pas d’avoir une fois appris les choses du Christ et d’en garder connaissance; il faut aussi (…) avoir le regard de la pensée fixé sur ces vérités et les contempler, en nous efforçant de bannir toute idée étrangère (…). Ce divin procédé à notre égard, le Christ l’a exposé dans la parabole du semeur. Celui qui sème, dit-il, est sorti, non pour labourer la terre, mais pour semer : montrant par la que le labour et tout le travail de préparation doit avoir été préalablement accompli. Ainsi donc, puisque, pour obtenir l’effet des divins mystères, il est nécessaire de s’en approcher en bon état et dûment préparés, il faut aussi que cette préparation se trouve dans l’arrangement du rite sacré, et elle s’y trouve en effet. »[1] Les offices liturgiques, l’ensemble de prière, d’hymnes, de lecture ont pour effet de labourer le champ de notre cœur. Nicolas Cabasilas insiste sur l’aspect sanctificateur de la liturgie : Elle nous oriente vers Dieu et nous rend Dieu propice à notre égard. Aussi elle permet à l’homme d’assumer sa fonction sacerdotale dans l’Eglise.
A côté de cela, la liturgie, en tant que culte public, est codifiée, elle possède des structures, des rythmes, des cycles liturgiques. Ces derniers sont en continuité avec la liturgie juive de l’Ancienne Alliance et le fruit de la rencontre entre la théologie, la vie de l’Eglise et la pratique du culte à travers l’histoire de l’Eglise. C’est cette structure temporelle qui nous intéresse aujourd’hui, car elle influence l’organisation des offices. Ainsi l’Eglise sanctifie le temps, sa liturgie suit les rythmes de la Création et de la vie l’homme. Le temps de l’Eglise est vécu à travers différents cycles liturgiques, cycles qui s’entremêlent l’un dans l’autre. Ces cycles liturgiques trouvent leur expression dans différents livres qui se composent de lectures, de psaumes, de prières et d’hymnographie. [2] L’Eglise sanctifie également le temps de notre propre existence (la naissance, la maladie, l’amour, la mort, le service dans l’Eglise, etc.), mais ceci ne touche pas à notre exposé de ce jour.
Il y eut un soir, et il y eut un matin (Genèse 1,5)
Au centre de vie liturgique se situent les offices quotidiens – vêpres, complies, vigiles, matines, prime, tierce, sexte et none. C’est sur l’organisation de ce cycle quotidien que viennent se greffer les autres cycles liturgiques. Le livre qui reprend ce cycle quotidien, est celui de l’Horlogion, le livre des Heures.
« Le soir, la nuit, le matin, le jour, et encore le soir, cessaient d’être des fatalités ou des banalités du réel pour devenir le diagramme mystique du cheminement de l’histoire sainte : l’émerveillement de l’ordre du monde. Donc d’abord le soir : le commencement, la création bonne. Puis la nuit : la chute, l’attente, la vigilance. Le matin : l’orient, le premier avènement du Christ. Le jour : l’économie de la rédemption, l’évangile, la croix, la mort. Et à nouveau le soir : l’occident, la fin, le second avènement du Christ, ou la Parousie, la fin retrouvant le commencement, non pour y engendrer l’éternel retour, mais pour y découvrir, dans la consommation des temps, la fulguration abyssale du corps ressuscité, le salut, l’impossible, l’inconcevable, l’extase, la gloire, dés maintenant et à jamais. »[3] Chaque office du jour met donc l’accent sur quelques thèmes particuliers : la glorification du Créateur, la Kénose du Christ, la Passion, etc.
Le jour liturgique commence le soir. « Il y a à cela plusieurs raisons plus ou moins symboliques. Outre que la coutume antique était de compter les jours à partir du soir, la tombée du jour est l’une de ces heures privilégiées où les hommes de toute religion se recueillent. Après la chute d’Adam et Eve, Dieu les rencontre « à la brise de fin d’après-midi », « à la fraicheur de l’approche du soir » (Gn3,8). La création elle-même avait commencé à partir des ténèbres, d’après le récit de la Genèse. La régénération du créé, avec la naissance du « Soleil du monde », a commencé la nuit, d’après le récit de l’Evangile. Son annonce par Gabriel à Marie eut lieu le soir, selon une tradition. Après la Résurrection, le Christ apparaît pour la première fois à ses disciples à l’heure vespérale. « Reste avec nous, car le soir vient », disent à Jésus, qu’ils n’ont pas encore reconnu, Cléopas et son compagnon au village d’Emmaus (Lc24,19). C’est « le soir de ce même jour, alors que par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, que Jésus vint et il se tint au milieu d’eux » (Jn 20,19).[4]
Ce cycle journalier est ainsi l’expression liturgique du mystère de Pâques, mais aussi de la prière continue « Veillez donc et priez en tout temps » (Lc 31,26), de l’appel à la vigilance.
« A la pensée de ce jour terrible, sois vigilante, ô mon âme, prépare ton huile et tiens ta lampe allumée, car tu ignores quand surgira la voix qui te dira : Voici l’Epoux. Veille donc, ô mon âme, à ne pas t’assoupir et demeurer dehors à frapper comme les vierges folles ; sois ferme dans ton attente, pour aller à la rencontre du Christ avec une huile excellente, et pour qu’Il t’accorde d’entrer dans la chambre nuptiale de Sa divine gloire. »[5]
Le temps révélé de la Création
« Et Dieu bénit le septième jour, Dieu avait achevé l’œuvre qu’Il avait faite. » (Gn 2,3). Le récit de la Création nous mène vers un deuxième cycle qui, comme dit plus haut, vient se greffer sur le cycle journalier : Le cycle hebdomadaire.
L’hymnographie du cycle hebdomadaire est reprise dans le livre suivant : Le Paraclitique ou Grand Octoèque. Il couvre huit semaines avec 1 ton par semaines, 8 tons au total. Après un cycle de 8 semaines, il recommence. Au bout d’un an, il y a ainsi 6 cycles de huit tons, entre Pâques et la Pentecôte il y a des semaines qui sortent de ce cycle. Le cycle débute le deuxième dimanche après la Pentecôte. Ce rythme de huit semaines trouve son origine dans le judaïsme.
Chaque semaine (et donc chaque ton) est organisée selon le principe suivant :
- Le dimanche est le jour du Seigneur, de la résurrection. Comme le Christ est l’alpha et l’oméga, le dimanche est le premier jour de la semaine, ainsi que l’aboutissement de la semaine. Les hymnes ont un caractère résurrectionnel. Il est appelé la Pâque hebdomadaire.
- Exemple : Tropaire ton 1, dimanche : La pierre ayant été scellée / et les soldats gardant ton corps très pur, / Tu es ressuscité le troisième jour, ô Sauveur, / en donnant au monde la vie ; / c’est pourquoi, Donateur de vie, les puissances célestes te clamaient : / Gloire à ta résurrection, ô Christ, / gloire à ta royauté, // gloire à ton dessein de salut, toi le seul Ami des hommes.
- Lundi : Puissance angéliques et repentir.
- Exapostilaire ton 2, lundi : Anges et Archanges, Principautés, Vertus, Puissances, Dominations, Trônes et Chérubins aux yeux innombrables, Séraphins aux six ailes, intercédez pour nous afin que nous soyons délivrés de tout danger et que nous échappions à la flamme sans fin.
- Mardi : Saint Jean Baptiste et Précurseur et repentir.
- Strophes, ton 3 : Voici le temps favorable et le jour du salut : prépare, ô mon âme, ta conversion produis les dignes fruits du repentir, de peur que la cognée de la mort ne te trouve sans fruit et, te coupant comme le figuier de jadis, ne te jette dans les flammes en l’au-delà.
- Baptiste de Dieu et Témoin du Seigneur, luminaire de la conversion au Christ, aurore de la foi qui assure la jonction entre l’ancien et le nouveau testament, renouvelle mon âme, afin qu’elle ne vieillisse dans le péché, et de la divine connaissance éclaire-la.
- Mercredi : Sainte Croix et Mère de Dieu.
- Jeudi : Saint apôtres et saint Nicolas de Myre en Lycie.
- Vendredi : Sainte Croix et Mère de Dieu.
- Samedi : Tous les saints et défunts.
Le cycle annuel fixe
Chaque jour de l’année nous faisons aussi mémoire de saints et des fêtes du Seigneur sont célébrées. L’hymnographie qui est liée aux fêtes fixes (la Nativité de la Mère de Dieu, l’Exaltation de la Croix, L’Entrée de la Mère de Dieu au Temple, la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ, la Théophanie, la Sainte Rencontre, L’Annonciation, la Transfiguration et la Dormition) ainsi que celle liée aux saints est reprise dans les Ménées, douze livres, un par mois. Les ménées sont les livres les plus vivants de l’Eglise, puisque le contenu ne cesse d’augmenter, il y a des saints à travers toute l’histoire de l’Eglise.
Le cycle annuel mobile ou cycle pascal
Autour de la fête de Pâque, la fête des fêtes, s’est développé le cycle dit ‘mobile’. Ce cycle s’organise symétriquement en rapport avec la Pâque, dans son contenu et dans sa forme. Triode et Pentecostaire en sont les deux livres. « Aussi le Triode et le Pentecostaire représentent-ils respectivement la préparation et la réalisation spirituelles de l’Economie de le Rédemption et apparaissent comme deux périodes analogues par leur durée et leur structure, dont le contenu est déterminé par Pâques comme ‘retournement des pôles’. Rappelons à cet égard qu’ils ne formaient primitivement qu’un seul livre liturgique divisé en deux parties : le ‘Triode de componction’ et le ‘Triode de joie’. »[6]
Œil de l’Eglise
Comment combiner les différents cycles dans une liturgie fidèle à l’Eglise ? Comme ‘choisir’ quelles psaumes, lectures, hymnes, péricopes d’Evangile ? Comment greffer le cycle mobile, le cycle annuel fixe, le cycle des huit tons sur le cycle journalier ? Les différents cycles s’entremêlent, la date de Pâques étant différente d’année en année, l’ordo des offices changent également. C’est le typikon (différent selon les différentes traditions) qui ‘arrange’ les offices, et qui nous indique la composition des offices. Comme un dirigent d’orchestre symphonique il indique le rythme des offices et régule l’utilisation de l’horlogion, l’octoèque, le Triode et Pentecostaire, les Ménées, mais aussi de l’Apôtre, l’Evangéliaire, le psautier. Selon le jour de la semaine, la place dans le cycle annuel, la solennité de la fête, la coïncidence de deux fêtes ou de, par exemple, une fête avec le carême, le ‘choix’ des lectures et hymnes différent.
Bibliographie
- Père Boris Bobrinskoy, La Vie Liturgique, Catéchèse Orthodoxe, Edition du Cerf, Paris, 2000
- Le Métropolite Job Getcha, Le Typikon Décrypté, Manuel de la liturgie byzantine, Edition du Cerf, Paris, 2013
- Prières de l’Eglise orthodoxe, Théophanie, Ed. Desclée De Brouwer, Paris, 1989
- Hieromoine Macaire de Simonos Pétra, Mystagogie du Grand Carême, Ed. Apostolia, Limours, 2018
- Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la Divine Liturgie, d’après une traduction du diacre Roman Biliavskyi, 2019, chapitre 1 (librement cité et agencé)
- Constantin Andronikof, Le sens de la liturgie, Les Edition du Cerf, Paris, 1988
[1] Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la Divine Liturgie, d’après une traduction du diacre Roman Biliavskyi, 2019, chapitre 1 (librement cité et agencé)
[2] Constantin Andronikof, Le sens de la liturgie, Les Edition du Cerf, Paris, 1988
[3] Prières de l’Eglise orthodoxe, Théophanie, Ed. Desclée De Brouwer, Paris, 1989
[4] Constantin Andronikof, Le sens de la liturgie, Les Edition du Cerf, Paris, 1988
[5] Office de minuit des jours de la semaine
[6] Hieromoine Macaire de Simonos Pétra, Mystagogie du Grand Carême, Ed. Apostolia, Limours, 2018, pag. 347.