17ème dimanche après la Pentecôte.
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,
La Cananéenne qui s’est adressée au Seigneur pour lui demander de guérir sa fille possédée était païenne. A cette époque, les Juifs, qui étaient les seuls à croire en un Dieu Unique, ne parlaient pas avec les païens dont ils restaient distants. Or voila cette femme qui approche du Christ : cela montre déjà qu’elle avait vu en Lui quelque chose qu’elle n’avait pas vu chez d’autres, qu’elle avait senti quelque chose chez Lui : par son intuition, son cœur, elle avait saisi quelque chose qui lui avait inspiré confiance et ôté la peur d’être chassée.
Elle s’est adressée à Lui avec des paroles que l’on retrouve aussi dans l’Evangile de Marc dans la bouche de l’aveugle Bartimée : « Jésus, Fils de David !… » C’est bien là une profession de foi : bien sûr, non pas dans le Christ en tant que Fils de Dieu mais comme né de la branche royale de David de laquelle doit être issu le Sauveur du monde : « Jésus, Fils de David, aie pitié de ma fille ! Elle est possédée… »
Mais le Christ continue son chemin en silence, sans réagir à ses cris. Ses disciples Lui disent : « Renvoie-la, – elle nous suit et nous précède de son cri d’espoir et de désespoir… „Renvoie-la” ne veut pas dire „chasse-là”: cela signifie : «N’as-tu pas pitié ? N’est-elle pas un être humain ? Sommes-nous étrangers à ces gens-là ? Est-ce que le malheur humain n’est pas aussi terrible et douloureux pour les païens que pour nous ? Laisse-la partir en paix… ».
Le Christ dit : « Je n’ai pas été envoyé à tous : J’ai été envoyé aux brebis de la maison d’Israël… ». La Cananéenne répond : « Seigneur ! Aide-moi… ». Elle ne répond pas à sa remarque sur le fait qu’Il ne lui a pas été envoyé ; elle croit simplement qu’Il aura pitié d’elle : elle ne discute pas, n’affirme pas : « Mais comment, je suis un être humain, non, elle croit simplement… Alors le Christ éprouve sa foi une nouvelle fois. Certes, Il connaissait sa foi ; et la Cananéenne, vraisemblablement, connaissait sa clairvoyance, mais il était sans doute nécessaire aux disciples de mesurer la profondeur de foi dont est capable un païen. Il lui dit : « Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens… ». Ces paroles semblent extrêmement cruelles et dénuées de pitié ; il me semble qu’on peut les comprendre si l’on imagine le Sauveur qui baisse son regard attentif, réfléchi, plein de compassion vers les yeux levés de cette femme ; elle a entendu ces paroles dures comme elle en a entendu d’autres, mais elle les a entendues et en même temps elle a vu la face de l’Amour Divin qui s’adressait à elle. Elle répond comme avec un sourire : « Mais non, Seigneur ! Les chiens se nourrissent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres… ». On ne peut dire cela qu’avec une foi et une conscience profonde que les paroles dures ne sortent pas d’un cœur endurci.
Le Sauveur, ici comme dans d’autres situations, répond à la foi par l’amour et par son pouvoir de guérir, avoir compassion et sauver : « Ô femme ! Ta foi est grande ! Que ton souhait se réalise. » Et sa fille fut guérie sur l’heure. Ici nous voyons encore une fois qu’il n’y a pas de limite à la compassion divine, qu’il ne partage pas les hommes en croyants et incroyants, familiers et étrangers : il n’y a pas pour lui d’étranger, tous Lui sont proches ; mais en même temps Il attend et exige de nous non pas le manque de foi mais une foi sincère, l’empressement à Lui faire confiance, et aussi à Le solliciter par nos cris, nos prières, notre foi. Cela, nous devons l’apprendre de la Cananéenne. Amen.
Mgr Antoine (Bloom) de Souroge