Chers frères et sœurs,
Cette parabole a, pour nous chrétiens orthodoxes, une force toute particulière. Nous vivons cette invitation au repas du Seigneur de façon concrète et immédiate dans le Mystère dans la communion eucharistique. A chaque Divine Liturgie nous entendons, ici et maintenant, l’invitation du Seigneur ! Les prières tout au long de la Divine Liturgie sont explicites à ce sujet. Nous prions pour pouvoir « communier sans faute ni condamnation à Tes Saints Mystères et d’être rendu digne de Ton Royaume Céleste » et encore « rends-nous dignes de participer à Tes célestes et terribles mystères, à cette table sacrée et spirituelle, avec une conscience pure, en rémission des péchés, pour le pardon des transgressions, pour la communion du Saint Esprit, pour l’héritage du Royaume des cieux, afin d’oser venir à Toi, non pour être jugés et condamnés »[1].
Saint Macaire le Grand dit dans ses Homélies spirituelles : « Tu le vois, celui qui adressait son appel était prêt, mais les appelés se sont dérobés. Ils sont donc responsables de leur sort. Telle est la grande dignité des chrétiens. Voici que le Seigneur leur prépare le Royaume, et Il les invite à y entrer ; mais eux, ils refusent de venir. Au regard du don qu’ils doivent recevoir, on peut dire que si quelqu’un luttait contre Satan et endurait des tribulations depuis la création d’Adam jusqu’à la fin du monde, il n’aurait rien fait en comparaison de la gloire qu’il aura en héritage ; car il doit régner avec le Christ pendant les siècles sans fin.»
Nous sommes rassemblés dans notre église, pauvres, estropiés, aveugles et boiteux spirituels. Nous sommes ici non pas par nos propres mérites, non pas parce que nous avons fait quelque chose de bien. Nous sommes ici par grâce de Dieu. Nous sommes, disons, sur le seuil de la porte. Encore faut-il faire le pas et participer pleinement au repas auquel nous sommes invités. Et pourtant, nous sommes nombreux à ne pas nous avancer à la table du Seigneur. L’évangile de ce jour nous appelle à la réflexion à ce sujet. Qu’est-ce qui nous sépare du repas du Seigneur ? Pourquoi ne nous avançons-nous pas ? Est-ce pour de bonnes raisons ?
Mettons devant nos yeux le serviteur qui est venu nous appeler au repas du Seigneur. Et pas n’importe quel serviteur ! De nature divine, de la même essence que le Père, le Fils s’est vidé, dépouillé, humilié en prenant la condition d’un serviteur. Par obéissance au Père, le Fils de Dieu, par un prodigieux abaissement, par le mystère de sa kénose, descend dans une condition anéantissante – au sens, non du rien originel, mais du gouffre ouvert par la déchéance de l’homme,[2] pour amener pauvres, estropiés, aveugles, boiteux, en résumé l’homme, au banquet de Dieu le Père. C’est Lui qui nous permet de nous approcher du Père. « Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi. »[3] dit Jésus à ses disciples. Laissons donc le Christ purifier notre âme. Osons et acceptons avec humilité que le maître accomplisse en nous la guérison de notre esprit et notre cœur. A Pierre, Il dit à la dernière Cène, au lavement des pieds : « Si je ne te lave pas, tu n’auras point de part avec Moi »[4].
Amen.
[1] Liturgie de saint Jean Chrysostome
[2] Théologie dogmatique, Vladimir Lossky, Les Editions du Cerf, Paris, 2012, p. 135-138
[3] Jn 14,6
[4] Jn 13,8