Chers frères et sœurs,

Nous sommes appelés à deux choses : d’une part condamner et se repentir de nos propres péchés, et d’autre part pardonner les péchés des autres. L’un et l’autre sont liés. Quand nous sommes conscients de notre propre état de pécheur, nous sommes plus enclins à pardonner de cœur les péchés d’autrui. Pardonner le péché d’autrui est non seulement nécessaire pour se présenter au Royaume Céleste, il est tout simplement essentiel dans notre vie de chrétien. Et cela nous l’expérimentons tous ici-bas. La rancœur, le ressentiment, la haine troublent notre esprit, alourdissent notre cœur. Sommes-nous capables de prier quand nous sommes agités de tels sentiments ? Avons-nous le cœur en paix quand nous gardons à l’esprit le tort qu’autrui nous a causé ? Comment se repentir de nos propres péchés quand on est incapable de pardonner ceux d’autrui ? Car à la racine il y a les mêmes maux, l’amour de soi et l’orgueil. L’absence de pardon est non seulement un grand mal pour nous-même, le monde entier souffre de cette absence. Non seulement il met en péril notre Salut, mais de plus il peut amener notre prochain à pécher. Combien de douleur dans le monde n’est pas le simple fruit du manque de pardon ?

Au contraire, quand je pardonne, mon cœur est tout en joie. Mon âme est allégée, la vie est plus aisée. Et ce n’est pas sans raison. Car en pardonnant à autrui je fais de la place pour le Christ dans mon cœur.

Nous faisons aujourd’hui mémoire de saint Moïse l’Ethiopien, chef d’une bande de brigands devenu grand ascète en Christ dans le désert de Sceté. Un jour, invité à la synaxe des ascètes pour juger un frère ayant péché, après avoir tardé à venir, Moïse suit finalement ceux qui étaient venus le chercher. Il vint à leur suite avec une corbeille percée, remplie de sable, déclarant aux autres pères : « Mes péchés s’écoulent derrière moi et je ne les vois pas, et je viens aujourd’hui pour juger la faute d’un autre ! ». Les autres pères se repentirent et pardonnèrent au frère fautif. La Tradition nous rapporte encore un autre enseignement de saint Moïse à ce sujet: « Mourir à son prochain, c’est porter tes fautes et ne te soucier de personne pour savoir s’il est bon ou mauvais. Si nous sommes attentifs à voir nos fautes, nous ne verrons pas celles de notre prochain. Car c’est folie pour l’homme qui a un mort chez lui, de le laisser là et de partir pleurer celui du voisin ».

Ne restons donc pas plein de ressentiment et de rancœur. Ne comptons pas tout le tort que notre prochain nous a fait, ou le tort que nous pensons qu’il nous a fait. Pardonnons. Toujours. Aisément ou avec difficulté, mais pardonnons. Avec le cœur. Et quand nous n’y arrivons pas, parce que le tort qui nous a été causé est encore une plaie béante dans notre âme, alors prions. Prions pour qu’il nous soit accordé la faculté de pardonner.

Pour citer Origène : « Il vaut mieux mourir en route en allant à la recherche de la vie parfaite que de ne pas partir ».

Amen